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Revue de presse : L’archéologie mise à sac

Laurent Flutch et Didier Fontannaz signent à Lausanne un pamphlet violemment critiqué

par ÉTIENNE DUMONT, Tribune de Genève

C’est devenu une habitude. Tous les trois ans environ sort un livre sur le pillage archéologique. Le dernier vient de paraître chez Favre à Lausanne. Directeur du Musée romain de Vidy et accessoirement animateur de radio, Laurent Flutsch s’est associé à Didier Fontannaz. Sous-titre: «Des razzias coloniales au marché de l’art, un désastre culturel».

Au départ de l’ouvrage, une demande, celle de Pierre-Marcel Favre. «C’était au moment où la Grèce réclamait une fois de plus au British Museum les frises du Parthénon.» Les duettistes ont voulu élargir le champ à ce qui les intéressait vraiment. Pousser un cri contre les fouilles clandestines actuelles, encouragées par la forte demande des collectionneurs et musées. «Pour le Parthénon, le mal est fait.»

L’importance du contexte

Quand on les rencontre, Flutsch et Fontannaz développent une argumentation simple. L’objet n’est rien en lui-même. Seul importe son contexte. Parler d’œuvres d’art à propos de vases antiques les fait bondir. «Nous ne sommes plus au temps de la chasse aux trésors! L’archéologie est une science. La valeur esthétique passe au second plan. Dans une tombe, le vase ne constitue qu’un indice parmi d’autres.»

Une telle affirmation fait hurler Jacques Chamay, conservateur au Musée d’art et d’histoire de Genève à la retraite depuis 2003, qui fait l’objet de graves accusations dans le livre. «Je tiens d’abord à affirmer que je ne fais l’objet d’aucune procédure judiciaire. Et inutile de dire que je conteste cette vision. Les plus beaux vases parlent par eux-mêmes. La manière dont ils ont été découverts reste importante, certes, mais elle n’est pas tout.»

Saisies aux ports francs

Voulu court et grand public, le livre actuel ne se contente pas de généralités. Il s’en prend à la situation suisse. «On sait pourquoi le marché de l’art s’est opposé chez nous aux conventions internationales sur le transfert des biens culturels, signées en 2005», s’exclament Flutsch et Fontannaz. Notre pays servait de plaque tournante, comme l’illustrent les affaires Medici et Becchina, avec saisies de multiples objets dans les ports francs. «Ces pièces provenaient de fouilles illégales, suivies d’importations frauduleuses d’Italie.»

«Je n’ai rien appris en lisant cet ouvrage», précise à ce propos Marc-André Haldimann, responsable de l’archéologie au Musée d’art et d’histoire. «Il existe sur ces affaires deux magnifiques enquêtes, jamais traduites en français. Il s’agit de The Medici Conspiracy et de The Lost Calice. Ces publications donnent la parole à tous les protagonistes, montrés dans leur vraie réalité sociale. Je vois surtout dans l’ouvrage actuel des affirmations sans preuves, suivies d’anathèmes.»

Avant de revenir à la Suisse, le lecteur découvre qu’après la drogue et le trafic d’armes, le commerce «gris» de l’archéologie constituerait la troisième source de revenus illégaux dans le monde. «Je me demande toujours d’où sort cette idée», s’interroge le marchand genevois spécialisé Jean-Louis Domercq, «et surtout comment le calcul a été fait. Ce qui est illégal reste normalement secret.»

Haro sur les musées

Le lecteur moyen peut ensuite passer à d’autres choses. Il en apprend un peu sur l’Antikenmuseum de Bâle, dont le directeur Peter Blome se voit accusé de «faire le jeu du marché de l’art». C’est cependant notre Musée d’art et d’histoire de Genève qui prend les pires coups. Il se voit accusé d’avoir acquis depuis les années 80 des pièces à la provenance douteuse. «Voilà pourquoi Genève vient de nommer une commission éthique.» «Le rôle de notre commission, qui entend travailler sur le long terme, se révèle plus complexe qu’une histoire d’achats et de restitutions éventuelles», tonne Marc-André Haldimann. «Il s’agit d’une réflexion globale sur ce qu’il convient de faire à l’avenir.»

Héritage commun

Pour notre interlocuteur, l’héritage gréco-romain fait depuis longtemps partie de nos racines. «J’en prends pour preuve une grande statue romaine, entrée dans les collections dès 1843. Pas question là de restitution à une petite ville italienne, que nous connaissons. Nous avons entamé avec son maire une discussion portant sur notre héritage commun. La statue fait aujourd’hui partie de deux imaginaires.»

«Le pillage du patrimoine archéologique», aux Editions Favre, 212 pages.

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Le grand boom de la clandestinité

Ce qui est dit à côté peut sembler théorique. Quelle est en fait la situation actuelle? «Le pillage augmente», explique Marc-André Haldimann. «Il a changé d’échelle. Aux artisans, qui creusaient la nuit ont succédé des équipes, appuyées au sud de l’Italie par la mafia.»

Le mal n’atteint pas que les pourtours de la Méditerranée. Certains paysages sud-américains ressemblent à une suite de cratères lunaires, à force d’avoir été sondés. «L’Afrique, jadis à l’abri du fléau, se retrouve atteinte de plein fouet», complètent Laurent Flutsch et Didier Fontannaz. «Le Mali se vide de ses sculptures de terre cuite.» On peut le comprendre. Même revendues une misère à des trafiquants, qui multiplieront les prix par dix, puis par cent, ces œuvres procurent un revenu primordial dans les pays pauvres.

Rendre l’idée immorale

Y a-t-il donc tant d’acheteurs? Non, pour Jacques Chamay. Oui, selon Marc-André Haldimann. Il convient cependant de séparer le haut de gamme, vendu très cher, du menu fretin. Il ne faut en effet pas oublier «l’effet Getty», le musée de Los Angeles qui a fait flamber le marché en fermant les yeux sur les provenances. «On peut le comparer à l’effet UBS sur le secteur bancaire», assure Jacques Chamay. Il tend à faire s’écrouler le système suisse des ports francs.

Que devrait donc devenir le commerce de l’avenir? «Le mieux serait pas de commerce du tout», s’emportent Flutsch et Fontannaz. «L’idéal serait de rendre l’objet antique aussi immoral que la dépouille d’un animal en voie de disparition.» «Un combat d’arrière-garde», assure Jacques Chamay. «Les lois adoptées en 2005 me semblent très strictes.»

Jean-Louis Domercq, qui a sa galerie Sycomore à Genève, montre la quantité de paperasse à remplir avant d’aller aux foires de Maastricht et de Londres. «Je ne fais plus que de l’administration. J’arrive à m’occuper d’une trentaine de pièces haut de gamme par an. Je continue parce que j’aime ce métier.»

Et que devient, au fait, le bas de gamme? Ne se retrouve-t-il pas, par un effet pervers de la loi, repoussé faute de rentabilité vers le marché gris? Là, nul n’a envie de répondre…

Source : Tribune de Genève en ligne, 4 mars 2010
lien : http://www.tdg.ch/actu/culture/archeologie-mise-sac-2010-03-04

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Marc-André Haldimann: «La prise de conscience archéologique s’est faite en quatre temps»
Archéologue de terrain, Marc-André Haldimann a remplacé Jacques Chamay il y a quelques années comme responsable des collections antiques du Musée d’art et d’histoire de Genève. Il doit aujourd’hui repenser leur présentation. Voilà qui fait réfléchir notre homme, surtout quand des problèmes éthiques viennent s’interposer.

par Etienne Dumont, Tribune de Genève, 4 mars 2010

Comment les gens ont-ils commencé à s’interroger sur l’origine des biens archéologiques figurant dans les collections privées et publiques?
La chose s’est passée en quatre étapes. La première résulte bien sûr du traumatisme de la guerre. Il existe un «avant» et un «après» 1945. Des villes historiques entières, le contenu de musées célèbres ont disparu d’un coup. Des communautés se sont vues spoliées. Il y a eu un phénomène de déperdition, un temps éclipsé par une volonté d’oublier. Le refoulé a opéré son grand retour à la fin des années 1960. On constate dès lors un besoin de légitimité.

Y a-t-il un événement que l’on puisse considérer comme une date?
Oui. L’affaire du vase d’Euphronios. En 1972, le Metropolitan Museum de New York acquiert une extraordinaire céramique, signée par le plus célèbre des potiers du VIe siècle avant Jésus-Christ. Le prix est d’un million de dollars, ce qui représente alors une somme colossale. L’objet fait la couverture du «Time». Du coup, des journalistes, fascinés par l’argent en jeu, se mettent à enquêter. D’où sort ce chef-d’œuvre? Il a été acquis à Zurich, mais il n’est visiblement pas sorti de terre à Oerlikon! On parle ensuite d’une ancienne collection libanaise. Un mensonge. Il devient patent que le vase vient de se voir exhumé illégalement en Etrurie.

Que se passe-t-il alors?
L’Italie va tenter de récupérer le vase. Elle y parviendra après des années de combat judiciaire. L’œuvre se trouve aujourd’hui déposée au musée de la Villa Giulia à Rome. Elle y reste peu visible, ce qui pose le problème de l’accueil des pièces récupérées. On ne peut pas les mettre, comme ça, dans un placard.

Quel est le troisième choc, pour parler comme du pétrole?
La déclaration de Melina Mercouri, alors ministre de la Culture en Grèce, demandant au British Museum les frises du Parthénon. Nous sommes au milieu des années 80. Les pays d’origine se sentent le droit de réclamer des pièces emblématiques de leur culture, même s’il n’y a pas eu transfert illicite.

Et le quatrième?
La guerre d’Afghanistan, en 2002, et celle d’Irak, en 2003. On a assisté au pillage des musées, puis des sites archéologiques. Leur protection est apparue d’autant plus nécessaire. Les pièces envolées se sont égaillées un peu partout. Il s’en est retrouvé jusque dans nos ports francs. Que faire?

Nationalisme mis à part, quels sont les droits des autres peuples sur une culture d’importance mondiale?
La tradition. On peut ainsi dire qu’à Genève, la Grèce antique constitue un héritage aussi important que celui de Calvin. Il existe une véritable identification. Notre fonds égyptien le plus ancien a été catalogué par Champollion. Dans l’institution en gestation que nous portons, il y aura ainsi une place pour évoquer les missions genevoises à l’étranger, ainsi que les archéologues de la ville. Il suffit de citer ici les noms les noms des égyptologues Ernest Naville et Charles Bonnet, comme celui de l’helléniste Waldemar Déonna.

source : Tribune de Genève en ligne
lien : http://www.tdg.ch/actu/divers/marc-andre-haldimann-prise-conscience-archeologique-faite-temps-2010-03-04

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Jean-Louis Domercq: «Tout vient du vieux conflit entre la science et l’argent»
Jean-Louis Domercq dirige Cour-Saint-Pierre une galerie très discrète. Sycomore n’a pas pignon sur rue, comme Phoenix Ancient Art, rue Verdaine. Le magasin s’ouvre avant tout au public lors des manifestations Art en Vieille Ville. Précisons cependant que notre interlocuteur est présent à la BAAF, ou foire d’antiques, de Bâle, à la prestigieuse TEFAF de Maastricht et qu’il ira en juin à la première édition de Masterpiece à Londres.

par Etienne Dumont, Tribune de Genève, 4 mars 2010

Pourquoi cette haine contre le commerce des objets antiques?
Je pense qu’il existe un antagonisme fondamental entre l’universitaire, qui représente théoriquement la science désintéressée, et le marchand, supposé refléter le monde de l’argent. Il y aurait sans doute moins de passions si les plus beaux objets coûtaient trois francs six sous.

Le collectionneur n’est-il pas aussi vu comme un prédateur, sauf s’il achète de l’art contemporain?
Cela ne fait aucun doute. Les gens le considèrent en plus comme anachronique. Dépassé. En d’autres termes, il n’a plus qu’à disparaître. C’est oublier là que la passion de rassembler remonte à la préhistoire et qu’elle s’est poursuivie presque sans interruption jusqu’à aujourd’hui.

De quelles précautions vous entourez-vous aujourd’hui?
J’appartiens à l’IDAA, sigle qui signifie International Dealers of Ancient Art. Cette association possède bien sûr ses règles, extrêmement strictes. Quand je participe à une foire, d’autres normes viennent encore se superposer. L’avantage, avec les foires, c’est que tout se passe en public. Il s’agit là d’un phénomène relativement nouveau. Une chose sûre, en tout cas. Si une pièce n’a pas d’origine sûre et documentée, je n’achète pas.

Mais comment peut-on connaître l’origine? On restait jadis moins sourcilleux en matière d’inventaire et de documentation…
C’est un réel problème. Certains collectionneurs anciens notaient tout. Ils ont photographié leurs objets dès que c’est devenu possible. D’autres accumulaient tout en vrac. Aucuns papiers. Pour eux, l’archéologie participait souvent du souvenir de voyage.

Existe-t-il aujourd’hui moins de marchands spécialisés?
Je dirais que notre nombre ne diminue pas, mais qu’il n’augmente pas non plus. Beaucoup de collègues sont effrayés par tout le travail de bureau qu’il suppose aujourd’hui.

Vous sentez-vous découragé?
Non. Il faut savoir évoluer. S’adapter à un monde changeant. Il n’y a pas d’autres moyens de survivre. Cela n’empêche bien sûr pas l’existence d’un marché gris parallèle. Le problème, c’est qu’on n’empêchera jamais certaines pratiques.

De combien d’objets vous occupez-vous chaque année?
Je dirais une vingtaine. Trente au plus. Je n’ai pas le temps ou l’infrastructure, pour faire davantage.

source : Tribune de Genève en ligne
lien : http://www.tdg.ch/actu/divers/jean-louis-domercq-vient-vieux-conflit-science-argent-2010-03-04

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Jacques Chamay: «L’urbanisation constitue aujourd’hui le pire danger pour l’archéologie»
Interview de Jacques Chamay, spécialiste de l’art antique au Musée d’art et d’histoire de Genève.

par Etienne Dumont, Tribune de Genève, 4 mars 2010

Jacques Chamay s’est occupé pendant de longues années des collections d’art antique au Musée d’art et d’histoire de Genève (MAH). Il a organisé de nombreuses expositions, visant souvent à faire découvrir des cultures périphériques, comme «Les Italiques» ou «Les Iapyges». Pour contribuer à enrichir les collections de l’institution, il est aussi à l’origine, dans les années 80, de la société «Hellas et Roma», qui collectionne et dépose au MAH.

Jacques Chamay, comment avez-vous eu connaissance de l’ouvrage de Laurent Flutsch et Didier Fontannaz?
A sa publication. Alors que nous avons été collègues et que nous vivons à 60 kilomètres les uns des autres, les deux auteurs n’ont pas jugé bon de prendre contact avec moi, alors qu’ils m’accusent de collusion avec le marché et d’illégalités.

Que pensez-vous du procédé?
J’avoue me sentir choqué. Ce qui me gêne cependant le plus, c’est qu’on ne parle de problèmes archéologiques que s’il y a du médiatique. Quand vous vous battez pour obtenir un laboratoire analysant les marbres antiques, rien. Si vous regroupez à Olten le meilleur des musées roumains en fait de préhistoire, rien non plus. Pas un mot non plus lorsque vous aidez la Hongrie à avoir les moyens scientifiques de préserver les bronzes romains.

Faut-il vraiment diaboliser le marché et les collectionneurs?
Il faut cesser d’avoir l’idée que le marché entier vit dans l’illégalité. J’avoue avoir toujours été lié avec les marchands comme les amateurs. Ce sont des rapports normaux pour un conservateur.

Jugez-vous utile le combat mené par Laurent Flutsch et Didier Fontannaz?
Il me semble s’agir là d’une lutte d’arrière-garde. La loi sur le transfert des biens culturels a passé en 2005. Nous avons un accord privilégié avec l’Italie depuis le 28 avril 2008. Qu’est-ce que cela signifie sur le plan pratique? Qu’il faut redoubler de prudence.

Les deux auteurs de livres insistent sur la notion de contexte.
Je sais. Mais pourquoi la réserver à la seule Antiquité? Je suis croyant. Je constate que de très nombreux tableaux ont passé au fil du temps de l’église au musée. Peut-on encore dire qu’ils y sont entourés d’un contexte?

On parle de pillage. Faut-il impliquer les seuls musées et collectionneurs?
Surtout pas! Le principal danger vient aujourd’hui de l’urbanisation galopante. Pour construire des maisons, des autoroutes, des hôtels, on creuse n’importe où sans trop se soucier souvent de ce qu’il y a dans le sol. Beaucoup de ces constructions sont en plus illégales. Pensez à Agrigente, en Sicile, où la justice est enfin parvenue à faire démolir les maisons construites sans permis.

Mais alors…
Le problème est politique. Il reste bien plus facile de s’attaquer aux individus en faute qu’aux Etats irresponsables. Les archéologues sont souvent les derniers à ouvrir la bouche. Comment pourraient-ils le faire, alors qu’ils demandent aux mêmes gouvernements des permis de fouiller?

source : Tribune de Genève en ligne
lien : http://www.tdg.ch/actu/divers/jacques-chamay-urbanisation-constitue-aujourd-hui-pire-danger-archeologie-2010-03-04

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Laurent Flutsch et Didier Fontannaz: «Il faut laisser du matériel à fouiller pour les générations à venir»
Laurent Flutsch et Laurent Fontannaz signent donc ensemble le livre «Le pillage du patrimoine archéologique», paru chez Favre. Le premier s’occupe du Musée romain de Vidy. Le second est universitaire. Mieux vaut selon eux écrire à quatre mains.

par Etienne Dumont, Tribune de Genève, 4 mars 2010

Qu’est-ce qui vous frappe dans la situation suisse?
Le temps qu’il a fallu pour adopter la loi sur le transfert international des biens culturels entre 2000 et 2005. Le marché de l’art a fait du lobbying afin d’empêcher son adoption, alors que tous les archéologues de terrain étaient pour. Cela montre bien que notre pays contribuait au trafic, et par conséquent au pillage.

Tout doit donc être fouillé par des professionnels et conservé par des institutions étatiques.
Mais c’est la loi! Des indices, il n’y en aura jamais assez pour les scientifiques. Nous devons conserver, à Vidy, dans les 300 000 tessons de céramique. Tous peuvent un jour se montrer utiles. Nous les conservons pour les générations futures.

Vous n’en montrez qu’une très petite partie.
Je dirais environ un pour cent, sous une forme contextualisée. Le reste demeure accessible sur demande pour des recherches.

Qu’est-ce qui vous dérange, dans une présentation purement artistique, comme celle de l’Antikenmuseum de Bâle, qui a créé ces dernières années de toutes pièces, un département égyptien et un autre mésopotamien?
L’approche en elle-même ne nous gêne pas. Ce qui nous heurte, c’est ce qu’elle sous-tend. Tout s’y fait au détriment de la science. Pour Peter Blome, le directeur de l’institution, les archéologues sont de trop. Ce monsieur est pour la libre circulation. Il ne voit aucun mal à ce que les vases, nés en Grèce et enterrés en Etrurie, passent à nouveau d’un pays à l’autre. Or qu’est-ce que cela suppose? Un bon pillage, où l’on piétine un squelette tout en détruisant l’information.

Mais ne trouvez-vous pas, finalement, que l’Antiquité se voit privilégiée par rapport aux époques ultérieures? On nettoie un cimetière antique au pinceau, un du XVIIIe siècle à la pioche et on jette nos parents dans une fosse commune au bout de vingt-cinq ans!
En disant cela, peut-être avez-vous une longueur d’avance. D’ailleurs, la limite descend. Les périodes archéologiquement intéressantes s’arrêtaient jadis à la chute de l’empire romain. Nous en sommes aujourd’hui autour de l’an 800. Vous voyez que les choses avancent!

Fouille-t-on de toute manière trop et trop vite?
Le matériel est abondant, certes, mais pas inépuisable. On ne peut donc pas se permettre de perdre davantage de traces. Pour répondre à l’autre partie de la question, disons que les chercheurs travaillent de mieux en mieux. Leurs progrès se révèlent immenses par rapport à 1900. Nous pouvons donc estimer qu’en 2100 ce sera encore mieux. Laissons donc une chance à nos successeurs!

Que reprochez-vous globalement au Musée d’art et d’histoire de Genève?
D’avoir fait des achats imprudents. De perpétuer la pratique ancienne, et dépassée, de la collusion entre conservateurs et marchands. De présenter sous forme d’expositions des collections particulières, dont les pièces semblent souvent d’origine incertaine. C’est une manière de les avaliser qui nous choque. Il faudrait au contraire sensibiliser le visiteur à l’importance de l’origine des objets.

source : Tribune de Genève en ligne
lien : http://www.tdg.ch/actu/divers/laurent-flutsch-didier-fontannaz-laisser-materiel-fouiller-generations-venir-2010-03-04

2010-03-07, Lorenz E. Baumer

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